par Jean-François Loiseau
publié le 28 octobre 2017, mis à jour le 11 novembre 2024
Les gens de métier ont eu une place de choix au tout début de la colonie. Robert Drouin pratiquait un métier qui aurait pu lui permettre de gagner largement sa vie.
Briqueteur, il aurait pu s'attendre à décrocher facilement des contrats en Nouvelle-France mais tel ne fut pas le cas.
C'est dans la maison de la famille du Plessis au Pin-la-Garenne, commune du département de l'Orne, limitrophe de Mortagne-au-Perche, que naquit Robert Drouin le 6 août 1607.
Il portait le même prénom que son père, et sa mère se nommait Marie Dubois. Les Drouin du Perche exerçaient le métier de tuilier ou fabricant de tuiles et briques.
Robert avait quatre frères et trois soeurs, et comme le hasard le fit naître parmi les derniers de la famille, il eut sans doute de la difficulté à se tailler une place
parmi eux et préféra tenter sa chance en Nouvelle-France en 1634.
Le dimanche 27 juillet 1636 en la maison du seigneur Giffard, Jean Guyon
maître-maçon rédigeait le contrat de mariage de Robert Drouin et Anne Cloutier fille de Zacharie Cloutier et Xainte Dupont.
Ce contrat de mariage, le plus ancien conservé dans les archives, spécifie que Zacharie Cloutier et Xainte Dupont père et mère de la future épouse se sont obligés de les loger et héberger durant trois ans,
ce qui prouve que Robert Drouin n'avait pas encore de terre à lui.
Briqueteur de métier, il ne s'intéressa jamais vraiment à l'agriculture. Il faut attendre l'année 1640
pour le voir passer un premier contrat d'importance lui permettant d'exercer son métier. Il promettait de « vendre et livre sur le bord de la Rivière proche Beauport vis-à-vis de son atelier en place chargeable
le nombre de sept milliers de brique bonne et suffisante » , le tout destiné aux religieuses hospitalières.
Pour ce travail il se voyait remettre deux poinçons de bled.
Il faut chercher par la suite dans les actes le concernant des contrats où il est question de brigues.
Un accord entre lui et Martin Grouvel samedi le 14 octobre 1645, nous apprend qu'il a charge de livrer à ce dernier « un demi cent de briques » .
D'ailleurs cet accord nous prouve que Drouin s'adonne à toutes sortes de tâches pour boucler les deux bouts. Ainsi, de janvier à mars 1645, il fait de la planche avec Grouvel.
Au printemps il ensemence du blé pour ce dernier, va lui quérir un poinçon de farine à Québec et monte haut sa chaloupe à l'automne,
si bien qu'au total Grouvel lui doit une somme de quatre sols trois deniers, ce qui évite à Drouin de lui livrer le demi cent de briques.
Quand en 1641 Jean Bourdon fait le relevé des prairies naturelles le long de la Côte de Beaupré, c'est en prévision des concessions qu'y feront les seigneurs de la compagnie du lieu.
Déjà, selon sa carte, plusieurs concessions ont été accordées verbalement, dont une à Robert Drouin.
Ce dernier cependant n'y habite pas encore. Il demeure toujours sur la Côte de Beauport quand il a, en octobre 1641, avec James Bourquignon, une altercation qui vient tout près de tourner mal.
C'est sans doute ce qui le décide d'aller vivre sur sa concession de Château-Richer. Mais il ne paraît pas se faire à l'éloignement. Les Iroquois qui rôdent dans ces parages sont une menace constante.
Sa jeune épouse Anne Cloutier tombe malade, est ramenée à Québec et y meurt dimanche le 2 février 1648.
Ne trouvant pas d'acheteurs pour ses tuiles et ses briques, Robert Drouin n'a plus d'autre choix que d'exercer le seul métier qui peut lui assurer la subsistance, cultivateur.
Pourtant il ne semble pas encore décidé à s'installer définitivement sur une terre, bien que les seigneurs de Beaupré lui aient fait parvenir un acte officiel de concession daté 17 avril 1646.
Il quitte sa ferme de la Rivière-aux-Chiens en la louant pour trois ans à Julien Perreault. Il y laisse tout, maison, animaux, meubles, pour revenir vivre avec ses deux jeunes enfants à Québec.
Il y fait la connaissance de Marie Chapelier veuve de Pierre Petit, laquelle est native de la paroisse de Saint-Etienne de Brie-Compte-Robert, et cousine de Robert Hache donné des Jésuites qui est commis au magasin de Québec.
Vendredi le 26 novembre 1649, en compagnie de parents et d'amis, ils se présentent tous deux à l'étude du notaire Audouart à Québec, pour y passer un contrat de mariage. La nouvelle épouse a une sainte horreur de la campagne et
fait spécifier au contrat que son futur époux devra dans moins d'un ans, "le plus tôt que faire se pourra" prendre une habitation la plus proche possible de Québec.
Comme on le constate, Marie Chapelier avait une forte personnalité. Elle prenait réellement les choses en main et ne voulait pas de tout être forcée d'aller vivre près de la Rivière-aux-Chiens.
Cette clause du contrat de mariage obligeait donc Drouin à se fixer à Québec ou aux environs.
Il n'avait plus le choix et paraissait alors désoeuvré. C'est encore Marie Chapelier qui intervient pour le tirer d'embarras. Usant de l'influence de son cousin Robert Hache un donné des Jésuites,
elle obtient de ces derniers pour son nouvel époux, au Cap-de-la-Madeleine, une terre de deux arpents de front sur le fleuve par vingt de profondeur.
Cette concession fut ratifiée par un acte du 6 juin.
C'était le meilleur temps pour quitter Québec et aller s'installer avant l'hiver. Il fit donc part de son projet à ses enfants. Présageant déjà ce qui allait se passer plusieurs années plus tard,
Zacharie Cloutier s'opposa à ce que ses petits-enfants s'en aillent au Cap-de-la-Madeleine avec Marie Chapelier, de peur que cette dernière les maltraite. Il offrit et obtint de les garder et
fit même faire le partage entre eux et leur père, de la terre de Château-Richer, qu'il se chargea par la suite de louer à leur profit.
Le séjour de Robert Drouin au Cap-de-la-Madeleine fut de courte durée. Instable de nature, il s'en revint à Québec après moins de deux ans et travailla pour les Jésuites à leur ferme Notre- Dame-de-Bon-Secours près de Beauport.
Ces derniers, désireux sans doute de le voir se fixer définitivement quelque part, lui concédèrent en leur seigneurie de Notre-Dame-des-Anges une terre de trois arpents de front,
au-dessus des trois arpents déjà concédées à Jacques Badeau, et faisant vingt arpents en profondeur Robert Drouin signa au bas de ce contrat, de sa marque habituelle.
D'une instabilité chronique, il ne réussit pas à se plaire en cet endroit et revendit le tout, dont une maison de 24 pieds de long sur 16 de large, à René Chevalier.
Marie Chapelier, présente sur ce contrat, signe d'une belle écriture, au bas de l'acte. Elle semble prendre de plus en plus de place et d'initiative dans la vie de Robert Drouin.
Cependant, ce dernier ayant décidé de retourner à Château-Richer, sa femme n'a plus le choix que de suivre.
Une année passe et on se rend compte immédiatement que les choses s'améliorent pour lui et les siens. Depuis qu'il s'est définitivement fixé sur sa terre de Château-Richer tout semble se replacer.
Alors que trois ans plus tôt, lors du contrat de mariage de sa fille Geneviève, il n'a pas les moyens de lui fournir une dote,
il promet à sa fille Jeanne qui épouse Pierre Maheu dit des Hasards une vache et des vêtements.
Mais là encore, Marie Chapelier, belle-mère de Jeanne Drouin, n'assiste pas au contrat.
Quand enfin, deux ans plus tard c'est une fille prénommée Marie issue du premier mariage de Robert Drouin qui promet d'épouser Nicolas Lebel,
non seulement elle assiste au contrat mais elle le signe, et la dote s'avère beaucoup plus généreuse. Cette fois la vache promise attend un veau,
et s'y ajoutent 100 livres tournois plus des habits, selon les moyens des parents.
partis en Nouvelle-France aux XVIIe et XVIIIe siècles.
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