par Jean-François Loiseau
publié le 28 octobre 2017, mis à jour le 12 avril 2023
Les frères Juchereau, Jean et Noël, originaires de Tourouvre ont joué un rôle clé dans l'émigration percheronne vers le Québec au XVIIe siècle, en aidant Robert Giffard, le chef de file de ce mouvement, à recruter des futurs pionniers.
Quarante et un contrats d'engagement pour le Canada seront passés devant Maître Choiseau, notaire à Tourouvre entre 1646 et 1651.
Ils sont les fils de Jean Juchereau, sieur de More, et de Jeanne Creste. La terre de More se situe dans le Perche, au sud-ouest de Mortagne, dans la paroisse de Coulimer.
Riche propriétaire, Jean Juchereau est tour à tour marchand drapier, marchand de bois, marchand de vin et greffier au baillage du Perche. La famille habite à Tourouvre au moins jusqu'au début de 1595.
Jeanne Creste décède au début du XVIIe siècle ; Jean Juchereau épouse Marquise de Loysel, fille du seigneur de Blavou. Le couple semble ne pas avoir eu d'enfant.
De nouveau veuf, Jean Juchereau épouse Jeanne Pineau, fille de Jean, sieur des Moulineaux, et de Louise Closier. De ce troisième mariage, naîtront au moins cinq enfants dont
Pierre, futur sieur des Moulineaux, qui recrutera des engagés, au nom de ses demi-frères Jean et Noël. Pierre ne fera pas le voyage en Nouvelle-France.
Jean, l'aîné des frères Juchereau, est baptisé le 31 mars 1592 en l'église Saint-Aubin de Tourouvre. Vers 1621, il se marie avec Marie Langlois. Le couple s'installe à La Ferté-Vidame.
Quelques années après leur mariage, Jean Juchereau y exerce la profession de marchand. Le couple aura au moins cinq enfants, tous nés dans le Perche.
Selon les chercheurs du Programme de Recherche sur l'Émigration des Français en Nouvelle-France (PREFEN), le couple migre au Québec en 1643 avec deux de leurs enfants Jean et Geneviève. D'autres sources estiment que Jean part au Québec dès 1634 avec les premiers colons tourouvrains.
Il est possible que Jean ait traversé plusieurs fois l'Atlantique. Son fils Nicolas, sieur de Saint-Denis, est présent en Nouvelle-France en 1641.
Les deux autres fils Louis et François resteront au pays percheron.
Dès le 15 janvier 1635, les Cent-Associés lui concédent l’espace de terre compris entre le cap aux Diamants et le vallon du Cap-Rouge.
Toutefois, le gouverneur Huault de Montmagny ayant un peu plus tard jugé préférable de laisser autour de Québec une banlieue qui relèverait de la censive de la compagnie,
le fief de Jean Juchereau est échangé pour une superficie égale de terre située au delà de Cap-Rouge.
Le 19 mars 1636, l’intendant des Cent-Associés, Jean de Lauson (père), prend la peine d’écrire de lui écrire pour lui expliquer la nouvelle politique de la compagnie.
S’il s’intéresse beaucoup au défrichement et à la colonisation, Jean Juchereau n’en est pas moins mêlé à la Communauté des Habitants.
Un document de 1667 le dit « ci-devant assesseur à la Cour Souveraine de ce pays [Conseil souverain] et conseiller au conseil établi par le Roi pour la direction du commerce et de la traite de ce dit pays » .
Il est évident que, à l’époque où il entre en possession de la seigneurie de Maur, Jean Juchereau est devenu un notable de la colonie :
en 1647, 1650 et 1651, il porte le dais aux processions de la Fête-Dieu ; en 1651, le 1er janvier, il est parmi les quelques personnalités qui reçoivent des étrennes des Jésuites ;
en 1656 et 1657, enfin, il est marguillier de l’église paroissiale de Québec.
Personnage en vue à Québec et l’un des dirigeants de la Communauté des Habitants, Jean Juchereau est, avec combien d’autres, accusé de malversations par l’irascible et excessif Jean Peronne Dumesnil.
Son épouse, Marie Langlois, meurt le 14 janvier 1661 à Québec où elle est inhumée le lendemain.
A partir de 1663, vieillissant et ne jouant plus aucun rôle officiel, Jean Juchereau est quelques fois choisi par le Conseil souverain, ou par les parties comme arbitre, ou curateur d’une succession.
En 1668, M. de Prouville de Tracy propose au roi de l’anoblir avec quelques-uns des principaux habitants du pays. Mais le roi ne donna pas suite à cette suggestion.
Le 5 janvier 1672, sentant son heure proche, Jean Juchereau cède tous ses biens à ses trois enfants migrants Jean Juchereau, sieur de la Ferté, Nicolas Juchereau, sieur de Saint-Denis, et Geneviève, épouse de Charles Legardeur de Tilly.
Un mois plus tard le 7 février 1672, il décède à Québec en l'habitation de M. de Saint-Denys, son fils Nicolas.
Il est inhumé le surlendemain à Beauport.
Jean Juchereau, sieur de la Ferté est le fils de Jean Juchereau, sieur de More, et de Marie Langlois. Il est né vers 1622 à La Ferté-Vidame, commune de l'Eure-et-Loir (France).
Il est mentionné pour la première fois en Nouvelle-France le 20 septembre 1643 à Québec en qualité de parrain de Marguerite Boissel.
Il épouse le 21 novembre 1645 à Québec Marie-Françoise Giffard, fille de Robert Giffard, le chef de file de l'émigration percheronne au Québec, et Marie Renouard.
Selon le Journal des Jésuites, Jean repasse en France à la fin de 1646 avec son frère Nicolas.
Le couple se fixe à Beauport et ont sept enfants, trois garçons et quatre filles, tous baptisés à Québec. Leur fille Jeanne-Françoise entrera chez les Hospitalières de l'Hôtel-Dieu de Québec en 1662 prenant le nom de Saint-Ignace ; en 1683, elle sera nommée supérieure du monastère, devenant la première Canadienne de naissance à accéder à ce poste.
En 1659, le sieur de La Ferté est membre de la Société de traite de Tadoussac. Son épouse meurt le 11 août 1665. Ses enfants encore à charge sont mis en pension.
En 1677, il est présenté comme le premier échevin de la ville de Québec. Il est également receveur général des droits de pelleteries du Domaine du roi. Il réside dans la Basse-Ville de Québec.
Jean Juchereau décède le 16 novembre 1685 dans l'hôpital de Québec et est inhumé le lendemain dans le cimetière des pauvres de l'hôpital.
Nicolas Juchereau, sieur de Saint-Denis est le fils de Jean Juchereau, sieur de More, et de Marie Langlois. Il est né vers 1625 à La Ferté-Vidame.
Il est mentionné pour la première fois en Nouvelle-France le 28 septembre 1641 à Québec en qualité de parrain de Marie-Madeleine Maheu.
Il épouse le 22 septembre 1649 à Québec Marie ou Marie-Thérèse Giffard, fille de Robert Giffard et Marie Renouard. Le couple aura douze enfants, six garçons et six filles.
Nicolas Juchereau revient en France pour affaire. Pendant l'hiver 1645-1646, à Tourouvre, avec son oncle Pierre, il engage des hommes, dont Antoine Mery et Mathurin Provost,
à venir travailler pour son père Jean en Nouvelle-France.
Au cours de l'hiver et du printemps qui vont suivre, Nicolas est à nouveau à Tourouvre où il lève de nouvelles recrues pour son père, parmi lesquelles Louis Guimond, René Duteil, Pierre Piau, René Visage et Daniel Trémond.
Le 28 février 1650, il est témoin à une vente.
Nicolas pratique la traite des fourrures. En 1659, le sieur de Saint-Denis est membre du conseil de la colonie pour la traite, comme son frère Jean, puis directeur de la Société de traite de Tadoussac. Pendant dix ans, de 1672 à 1682, Nicolas passera tous ses étés à Tadoussac.
Avec son frère Jean et quatre autres colons, il constitue une société de pèche et de chasse sur l'île Rouge.
De 1665 à 1690, il est capitaine de milice à Beauport. En 1666, il combat aux côtés des troupes du sieur de Tracy contre les Iroquois.
En 1690, Nicolas Juchereau est à la tête de 80 miliciens. Ensemble, ils sont au point de débarquement des troupes anglaises de William Phips, chargés de les harceler et de les repousser.
Dans l'affrontement, un coup de fusil casse le bras du sieur de Saint-Denis. Après la bataille, il reçoit en trophée un des six canons que lui et ses miliciens ont pris à l'ennemi.
Ses années de service en tant que capitaine de la milice lui valent des lettres de noblesse.
Nicolas Juchereau décède le 4 octobre 1692 à Québec et est inhumé le lendemain à Beauport « avec le consentement de M. le curé de Québec en tant que vrai paroissien » .
Geneviève Juchereau, fille de Jean Juchereau, sieur de More, et de Marie Langlois, est baptisée le 25 juillet 1632 en l'église Saint-Nicolas de La Ferté-Vidame.
Elle est mentionnée pour la première fois en Nouvelle-France le 19 octobre 1643 à Québec en qualité de marraine de Geneviève Drouin, fille des pionniers percherons Robert Drouin et Anne Cloutier.
A seize ans, elle épouse le 1er octobre 1648 à Québec le normand Charles Legardeur, sieur de Tilly originaire de Thury-Harcourt. Le couple aura quinze enfants qui tous vivront plus de 20 ans.
En 1656, Geneviève Juchereau reçoit le scapulaire du Mont-Carmel et elle est admise à la Confrérie du Saint-Rosaire. En 1664, c'est à la Confrérie de la Sainte-Famille qu'elle est admise.
Geneviève Juchereau est inhumée le 5 novembre 1687 dans le cimetière de l'Hôtel-Dieu à Québec. Huit années plus tard, le 10 novembre 1695, son mari est inhumé à Québec.
Noël est baptisé le 30 août 1593 en l'église Saint-Aubin de Tourouvre. Il restera célibataire. Ayant fait des études de droit, il est qualifié de licencié es lois.
Noël part pour la première fois au Canada en 1634 avec Robert Giffard mais ne s'y installera pas définitivement.
Noël sera commis général de la Compagnie des Cent-Associés, directeur des embarquements pour le Canada à La Rochelle. Cette association privilégiée, composée de cent actionnaires, est créée par Louis XIII en 1627 à l'instigation de Richelieu, pour la colonisation de la Nouvelle-France.
En échange du monopole du commerce des fourrures, la Compagnie s'engage à établir 4000 colons en quinze ans, dont 300 dès la première année.
Noël Juchereau est un personnage en vue à Québec : il reçoit des terres et prend une part active à la vie coloniale. M. le gouverneur se l’adjoint souvent quand il faut rendre jugement dans certaines affaires délicates.
C’est lui qui, en 1644, conçoit avec Pierre Legardeur de Repentigny l’idée de la Communauté des Habitants, dont il fut constitué, dès 1645, le commis général.
Désormais, Juchereau est très en vedette dans la colonie : marguillier en 1645–1646, il est de toutes les cérémonies religieuses, dans lesquelles se résume la vie sociale de Québec à cette époque.
Le Journal des Jésuites nous le montre portant le dais, distribuant le pain bénit où lavant les pieds des Indiens le Jeudi saint.
En janvier 1646, les dirigeants de la Communauté furent pris à partie par les « petits habitants » qui semblaient « se vouloir mutiner contre ceux qui avoient les charges & offices » .
À Noël Juchereau, entre autres, on reprochait de faire « trop bonne cheire [chère] » . Plusieurs mémoires furent adressés au roi, en 1647, pour demander
la suppression des abus. Le sieur des Châtelets s’embarque pour la France, en octobre 1647, afin d’aller exposer au roi les difficultés de la colonie.
Ces démarches seront à l’origine du règlement royal de 1648. Mais Juchereau n’en verra pas l’application, car il mourra au cours de ce voyage, en la ville d’Orléans, peu avant le 31 juillet 1648.
Claude de Bermen est un neveu des frères Jean et Noël Juchereau. Il est le fils de Louis de Bermen et Françoise Juchereau, soeur de Pierre et demi-soeur de Jean et Noël. Il est ondoyé le 30 mai 1636 à La Ferté-Vidame.
Il est mentionné pour la première fois en Nouvelle-France le 30 novembre 1662 à Québec au mariage de Jean de l'Espinasse.
Il épouse le 7 août 1664 à Québec la parisienne Anne Desprès avec qui il n'aura pas d'enfant.
Claude de Bermen reçoit la concession de la seigneurie de La Martinière (ou Beauchamp) le 5 août 1692 (entre Lauzon et Montapeine) et devient locataire de la seigneurie de Lauzon du 1er octobre 1692 au 1er octobre 1695.
Le 9 avril 1697 soit trente trois années après son premier mariage et alors âgé de 60 ans, Claude épouse Marie-Anne Cailteau, originaire de La Rochelle et de 34 ans sa cadette.
Le couple aura cinq enfants.
Claude de Bermen est juge seigneurial (1662), juge-prévôt de Beauport (1666), juge de Beauport (1673), conseiller au Conseil souverain (1679-1700), lieutenant général de la Prévôté et Amirauté de Québec - conseiller du roi (1704-1710).
Le sieur de la Martinière se mariera une dernière fois le 4 août 1710 à Québec avec Marie Molin, fille d'un marchand banquier bourgeois de la paroisse Saint-Merry de Paris. Aucun enfant naitra de cette union.
Claude de Bermen décède le 14 avril 1719 à Québec où il est inhumé le lendemain.
partis en Nouvelle-France aux XVIIe et XVIIIe siècles.
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